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sauce soja

La sauce soja artisanale au japon : procédé ancestral

Savez-vous quelle est la bouteille la plus emblématique en Asie, équivalente à celle du coca cola en Occident ? Le flacon de sauce soja Kikkoman. 450 millions de litres de sauce vendue chaque année, 9 usines dans le monde.

Ce produit de qualité honorable et complètement standardisé a envahi les tables des restaurants chinois et japonais à travers tous les continents.

A côté de cette production de masse qui ne fait que croître, y compris au Japon, il existe quelques établissements qui perpétuent un mode de production traditionnel où le savoir-faire de l’homme canalise le long  processus de fermentation naturel pour obtenir des sauces soja gastronomiques.

Nous avons visité, lors de notre dernier séjour au Japon, un de ces derniers dinosaures en voie de disparition qui produit parmi les meilleures sauces soja du pays : la société Marunaka, située à 1 h de train de Kyoto dans la région du Kansaï.

Quelques informations sur la sauce soja

Historique

L’origine de la sauce soja est Chinoise. On trouve des traces écrites sur l’existence de ce produit sous son nom actuel au 13ème siècle. Mais il existe certainement depuis bien plus longtemps sous forme de produit dérivé obtenu lors de la fabrication de pâte de soja fermentée (équivalent du miso japonais).

Partout dans le monde, les hommes ont cherché des moyens de conserver les aliments dans le sel pour en améliorer le goût. La sauce soja japonaise (shoyu) tire son origine d’une pâte nommée hishio d’abord faite de marinade de viandes et de poissons, puis de graines de soja et de farine.

Les assaisonnements à base de soja chinois ont probablement accompagné l’introduction du bouddhisme au Japon au 7ème siècle. Leur essor viendra de la recommandation de respect de la vie et de végétarisme du bouddhisme, si bien que les assaisonnements à base de soja prirent peu à peu la place des sauces à base de poisson ou de viande.

On a identifié l’existence d’un moine japonais au 13ème siècle qui rapporta de Chine une nouvelle recette de miso. Il s’aperçut que le liquide qui s’accumulait à la base des tonneaux où était préparé le miso constituait un excellent ingrédient de cuisson et d’assaisonnement. C’est pourquoi il décida de modifier légèrement la recette de fabrication du miso en employant plus d’eau. Le liquide récupéré après la période de fermentation était brièvement chauffé afin d’être stabilisé.dessin production de sauce soja

Dessins relatant la production de sauce soja autrefois.

Le terme de shoyu est apparu au 16ème siècle. Il est probable que le produit ainsi nommé était proche de celui qui existe aujourd’hui. Sa production était séparée de celle du miso.

Au début du 19ème siècle, la production de masse du shoyu fait son apparition dans la préfecture de Shiba près d’Edo (le Tokyo d’aujourd’hui) qui bénéficiait à la fois d’un climat favorable pour le procédé de fermentation et de la proximité d’un marché considérable.

Différentes variétés

Au même titre que le vin ou la bière, autres liquides issus d’une fermentation, il existe de très nombreuses variétés de sauce soja. En fonction des matières premières, des procédés de fabrication utilisés, on obtiendra des produits finis très différents.

Le premier critère de différenciation est l’utilisation ou non de blé. La sauce soja est traditionnellement fabriquée à partir de graines de soja en Chine et en Corée et à partir d’un mélange de soja et blé au Japon.

Les sauces de soja jiangyou chinoises sont plus denses et de couleur plus sombre que les shoyu japonaises. Ces dernières développent des arômes typiques provenant de l’usage du blé en forte proportion.

Le shoyu japonais le plus répandu est de type koikuchi. Il est d’une couleur brunâtre à rougeâtre et développe des arômes puissants. Il est fabriqué avec à peu près autant de graines de soja que de blé. Le shoyu de type tamari se rapproche le plus du jiangyou chinois, faite exclusivement avec des haricots ou des tourteaux de soja, sans ajout de céréales ni autres additifs. Il est considéré comme la sauce soja japonaise « originale », sa recette étant la plus proche de la sauce introduite à l’origine au Japon depuis la Chine.

L’Usukuchi est particulièrement populaire dans la région du Kansai, il est à la fois plus salé et plus clair que le koikuchi. La sauce est éclaircie par l’emploi d’alcool de riz au cours de son élaboration.

La sauce shiro emploie principalement du blé et peu de graines de soja, ce qui lui donne une couleur bien plus claire et un goût plus sucré.

Saishikomi : cette variété est semblable au koikuchi, mais sans emploi de saumure dans son processus de fabrication. Ainsi, elle est plus sombre et plus forte en goût.

On trouve également des sauces soja avec moins de sel ou mélangées avec des protéines végétales.

En Chine, on trouve beaucoup d’autres variantes, dont celle produite uniquement à partir de graines de soja et de sel. C’est le cas de la sauce Wuwanwo, produite à Taïwan de façon complètement artisanale et distribuée par Sur Les Quais.

dégustation de sauce soja

Séance de dégustation de sauce soja

Procédé de fabrication classique de la sauce soja

La sauce soja résulte d’une fermentation des protéines végétales. La matière première est composée de graines de soja cuites et de blé torréfié. Des enzymes sont libérées par une moisissure, hydrolysant les ingrédients, puis ce mélange passe par une fermentation lactique produite par des bactéries et une fermentation alcoolique produite par des levures.

On obtient dans un premier temps un produit transformé appelé Koji. On le mélange à une saumure dont la présence va permettre le développement des micro-organismes nécessaires aux fermentations. Ce mélange est appelé moromi.

C’est au cours de cette longue étape d’affinage, que la sauce de soja prend sa couleur, son arôme et son goût. Traditionnellement, le vieillissement pouvait s’étaler sur un à trois ans.

Le produit ainsi obtenu est filtré, puis stabilisé par pasteurisation. Ce procédé type connait de nombreuses variantes dans la production industrielle. L’hydrolyse de la pâte est accélérée par l’emploi de produits chimiques comme l’acide chlorhydrique. Le vieillissement est souvent réduit à une période allant de deux à six mois.

Les spécificités du shoyu produit chez Marunaka

Marunaka produit des sauces soja de type Koikuchi en utilisant 50% de soja et 50% de blé.

Une sauce Shoyu gastronomique, comme celle de la société Marunaka, résulte de la qualité des matières premières, du site de production ancestral dans lequel les micro-organismes ambiants jouent un rôle primordial,  du procédé de fabrication sans aucune mécanisation où l’homme accompagne le travail de fermentation naturel, du temps long (3 années) d’affinage et du climat local très favorable à l’élaboration du produit.

Qualité des matières premières

Marunaka sélectionne du soja et du blé d’origine japonaise. Il travaille avec le même fournisseur de soja depuis 3 générations. Il n’y a pas d’OGM.

Le site de production

La brasserie date de 200 ans. L’actuel propriétaire et président de la société représente la 8ème génération qui s’est succédée pour perpétuer un procédé de fabrication et des locaux qui n’ont pas changé depuis la création de l’entreprise à l’époque d’Edo.local de production de sauce soja

Local de production de la sauce soja de Marunaka.

Ainsi l’air ambiant, les cuves de production, regorgent de micro-organismes qui vont conduire une grande partie des processus de fermentation et donner ainsi une personnalité unique au produit final. Cela va jusqu’à obtenir des produits finis différents selon les cuves utilisées avec une population spécifique à chacune d’entre elle. Il sera procédé au final à un assemblage pour aboutir au goût recherché.

En 1995, le tremblement de terre dont l’épicentre était Kobe (situé non loin du site de l’atelier de production) a gravement endommagé le bâtiment qui commençait à pencher et était menacé d’effondrement.

Il a fallu restaurer la brasserie et ce fût ruineux. On aurait pu construire 2 unités neuves de production pour le même prix. Mais un déménagement n’était pas concevable car on aurait perdu les micro-organismes, spécificité incontournable de l’entreprise.

Les cuves de production sont en bois de cèdre. Il n’y a pratiquement plus de production de ce type de matériel et le prix d’une cuve neuve est équivalent à celui d’une voiture de luxe. Tout est produit à la main. La brasserie a tellement peu évolué depuis 200 ans que le site a été classé patrimoine culturel du Japon.

Le procédé de fabrication

Il est totalement manuel et canalisé par l’expérience de l’homme. Il y a des différences notables par rapport au procédé classique décrit précédemment et aux techniques modernes de production. Les matières premières sont transformées dans d’autres locaux utilisés par l’entreprise, pour arriver aptes à être transformées par les moisissures ambiantes.

La saumure qui sera mélangée au koji, est préparée de façon très spécifique selon une méthode ancestrale. Le sel est suspendu dans des sacs de lin au-dessus des cuves remplies d’eau. Il va se dissoudre tout doucement, ce qui va permettre aux micro-organismes qui vivent dans les cuves de s’habituer au sel. Celui-ci a un rôle fondamental dans l’équilibre des transformations des fermentations. On appelle cette opération : Shiotsuri.

Le démarrage de la production se fait au printemps avant la saison des pluies et les grandes chaleurs. Elle est programmée de manière à ce que la période de fermentation intense soit optimale avant le ralentissement pendant l’hiver.

On peut ensuite ajouter les matières premières à la saumure et attaquer la deuxième étape de transformation qui dure près de 3 ans. On l’appelle Kaiire. Les opérateurs utilisent une longue pale en bois (kaibo) pour mélanger et aérer le produit à certaines périodes de la fermentation, quand la température monte (printemps, été) et qu’il faut dégazer le mélange. Ce brassage manuel est long, pénible et fastidieux. Il contribue largement à la qualité du produit fini. Dans les installations modernes, il est remplacé par injection d’air comprimé.L'étape Kaiir

L’étape Kaiire, réalisée exclusivement de façon manuelle.

Au début de cette phase, on ajoute la levure qui permet la fermentation alcoolique. C’est le seul ajout extérieur de microorganismes pendant la production.

Ce dégazage différencie le mode de production de la sauce soja du miso qui ne nécessite pas cette opération. Après 3 années de lentes transformations le produit est prêt pour l’ultime étape qui va permettre d’obtenir le produit final prêt à être consommé.

On remplit des sacs de lin qui sont empilés les uns sur les autres. Les sacs vont ainsi assurer un filtrage naturel qui sera complété par un pressage avec un bois très lourd. On appelle cette opération : funashibori. Le liquide filtré sera ensuite pasteurisé pour le stabiliser. On revient là à la méthode traditionnelle.

Prendre le temps

Le temps de maturation est un facteur essentiel dans la qualité du produit fini. Il permet la formation de nombreux composés aromatiques qui vont faire toute la complexité du mélange. C’est ce qui différencie souvent un produit de grande consommation d’un produit rare. Certaines sauces soja sont produites en quelques mois. On peut comparer cela à la qualité d’un vinaigre balsamique traditionnel comparé à un produit industriel.

Le climat spécifique de la préfecture de Shiba

La brasserie est située à la fois près du plus grand lac du Japon (lac Biwa) et de la montagne, ce qui maintient une grande humidité favorable à la production du shoyu. Le climat y est idéal et joue également un rôle majeur dans la qualité du produit fini.

En conclusion, la visite de l’atelier de production Marunaka est un véritable choc culturel : on se croirait revenu 200 ans en arrière au cœur du vieux Japon. Tout y concoure, la vétusté des locaux, la quasi absence de signe de modernité, jusqu’à la tenue traditionnelle des opérateurs dans la brasserie. Cet immobilisme est volontaire et contribue, dans l’esprit des responsables de l’entreprise, à la qualité des produits finis. Ils se considèrent parmi les derniers garants d’une recherche de qualité extrême dans un marché intérieur qui a tendance à régresser face à la mondialisation des goûts et de l’offre et face à la concurrence féroce d’une société comme Kikkoman, éliminant un par un les acteurs du secteur par sa puissance d’action.

Utilisations de la sauce soja

On est habitué à utiliser ce produit dans les restaurants chinois et japonais. Il nous semble alors quasiment incontournable d’accompagner sushis, sashimis, raviolis chinois et autre riz de cette sauce couleur locale.

En réalité, elle peut s’utiliser dans la cuisine de tous les jours au même titre qu’une huile d’olive ! Elle s’utilise cuite en assaisonnement de viandes, poissons et légumes cuits au wok mais aussi comme base de bouillons, soupes et ragoûts.

Vous pouvez aussi varier les plaisirs et l’utiliser dans vos préparations de marinades ! Elle se marie parfaitement à l’huile d’olive ou l’huile de sésame, aux jus d’agrume, au gingembre, au miel. On peut l’utiliser pour cuisiner certaines viandes (porc, poulet, canard) en les y faisant mariner, ce qui permet de leur donner une autre saveur.

Autre usage intéressant : incorporez là dans vos sauces salades ! La sauce soja peut être mélangée à du sucre et du mirin, un alcool doux de riz, pour créer une sauce salade originale et savoureuse.

La sauce soja est également utilisée comme base ou additif de sauces plus spécifiques (teriyakikabayaki), dont elle rehausse agréablement le goût.

La sauce soja comme celle que l’on produit à Taïwan, est donc d’usage universel. Elle permet de remplacer avantageusement le sel dans votre cuisine, ce qui est plutôt bon pour la santé et vous permet de donner une saveur nouvelle et originale à vos plats !Présentation de sauces soja

 

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